https://unioncommunistelibertaire.org/?Pouvoir-medical-et-violence-patriarcale-le-Planning-Familial-s-attaque-aux-VSS

[b]Pouvoir médical & violence patriarcale : le Planning Familial s’attaque aux VSS en son sein[/b]

En 1961, le Dr. Henri Fabre et une équipe de militant·es créaient à Grenoble le premier centre du Mouvement Français pour le Planning Familial, un an après la fondation de l’association.

La même année, dans ce centre, Henri Fabre violait une femme en consultation de gynécologie. Et une question surgit immédiatement : combien d’autres ?

Nous apprenons cela grâce au témoignage de la victime, si longtemps après. Nous saluons son courage d’enfin briser ce silence et lui affirmons notre soutien.

Son témoignage a été rendu possible par des décennies de lutte féministe, au sein desquelles le Planning Familial a joué un rôle majeur. Que lui-même n’échappe pas à la violence masculine est une preuve de son ampleur dans toute la société.

L’affaire Pélicot l’a démontré de façon tristement éclatante : tout homme qui en a l’opportunité peut devenir un violeur. A ce titre, les médecins, et d’autant plus les gynécologues, ont toujours eu une place privilégiée. La relation de pouvoir qu’ils ont de facto avec leurs patientes leur offre ces opportunités. Si les chiffres officiels manquent sur les violences sexuelles en consultation, ce n’est pas un hasard si plusieurs vagues de libération de la parole ont visé spécifiquement les médecins, comme #PayeTonUtérus en 2014 ou plus récemment au sein du mouvement MeToo.

Ce fait n’est pas une fatalité. Ce n’est pas une prétendue « nature » intrinsèque des hommes qui en fait des violeurs : ce sont les structures sociales de la domination masculine, autrement dit le patriarcat. Si les hommes violent, c’est parce que le viol est minimisé, tourné en sujet de plaisanterie, voire encouragé. C’est parce que les violeurs sont rarement accusés et rarement condamnés, aussi bien socialement que pénalement, là où les actes de résistance des femmes, parfois poussées à bout, sont lourdement sanctionnés. C’est parce que le consentement des femmes est vu comme optionnel, et ce d’autant plus en contexte médical. C’est parce que les hommes savent qu’ils peuvent violer en toute impunité, car c’est l’outil de contrôle des femmes par excellence.

L’affaire Henri Fabre en est une preuve cinglante : il n’a jamais été inquiété de son vivant pour ses actes. Prise par la sidération et sachant que sa parole ne vaudrait rien face à cette « figure » des droits des femmes, sa victime a dû se taire pendant soixante ans. Henri Fabre a ensuite arrêté d’exercer pour devenir médecin inspecteur à 59 ans, ce qui est jeune pour la profession et ne manque de nous questionner : les institutions médicales – telles que l’Ordre des Médecins, foncièrement conservateur et patriarcal – étaient-elles au courant ?

Seul un mouvement féministe d’ampleur pourra faire reculer, et un jour éradiquer, le patriarcat qui permet ces violences. La libération de la parole en est la première étape indispensable. Elle a permis aujourd’hui de faire la lumière sur Henri Fabre ; elle doit se renforcer encore, pour révéler et sanctionner les actes de tous les médecins agresseurs et sexistes, qu’ils exercent au Planning Familial ou partout ailleurs. C’est un combat qui concerne toute la société : nous devons parvenir à une tolérance zéro contre les violences sexistes et sexuelles (VSS).

Pour faciliter cette libération et aller plus loin encore, il est important de développer les lieux d’auto-organisation des femmes , et en premier lieu les organisations féministes. Il est notamment plus que jamais pertinent de rejoindre et renforcer le Planning Familial , auquel nous affirmons notre soutien : plus nous y serons nombreuses et puissantes, plus nous contribuerons au rapport de force contre les VSS, et plus nous serons en mesure de les prévenir et d’accompagner les victimes.

Les VSS existent partout, nous devons donc réaliser ce travail à tous les niveaux : dans nos cercles sociaux, sur nos lieux de travail, mais aussi dans nos organisations et syndicats. Il en va de notre responsabilité, et l’auto-organisation des femmes en est la pierre angulaire.

Union communiste libertaire, le 30 octobre 2024