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Antifascisme : Autodéfense prolétarienne dans les années 1920-1930

Dès l’apparition du fascisme, des groupes de défense se sont constitués. Organisés au sein des partis politiques ouvriers, des syndicats ou en marge de ces organisations, ils sont animés par la même conviction  : la nécessité de « tenir la rue ». De même que le fascisme ne saurait se confondre avec les autres mouvements réactionnaires, les armes pour le combattre sont elles aussi particulières. L’affrontement physique est de celles-ci. Petit tour d’horizon de ces différents groupes.

Le plus connu des groupes anti­fascistes de la première moitié du XXe siècle est l’Antifaschistische Aktion, organisation émanant du KPD (Parti communiste d’Allemagne) créée en juillet 1932, « point de départ d’une initiative par laquelle les communistes souhaitaient battre tout autant les nationaux-socialistes que les sociaux-démocrates » [1]. Il reste dans les mémoires davantage par son logo aux deux drapeaux (rouges à l’origine, aujourd’hui rouge et noir) que par ses actions d’éclat  : en tant que composante du KPD, il préférait alors s’en prendre au SPD (Parti social démocrate) considéré comme un plus grand danger que les nazis !

C’est en Italie qu’apparaissent les premiers groupes antifascistes, dès 1920, dans le contexte de la contre-offensive réactionnaire qui fait suite aux deux années pré-révolutionnaires, le Biennio Rosso (1919-1921). Ce sont d’abord les formazioni di difesa proletaria, formations antifascistes qui participent aux occupations d’usine à Turin et combattent les squadristi et les groupes d’arditi (anciens combattants souvent proches du fascisme naissant) qui attaquent les grévistes et maisons des syndicats. Proches du Parti communiste italien (PCI), ces formazioni se révèlent peu efficaces face aux groupes fascistes.

En 1921, les arditi del popolo, naissent d’une scission de la section romaine des arditi provoquée par l’anar­chiste Gino Lucetti. Plusieurs de ses leaders sont anarchistes mais on y trouve aussi des communistes et des syndicalistes. Seule une minorité des dirigeants du PCI leur sont favorables, à l’image d’Antonio Gramsci. Si les ardditi del popolo ne parviennent pas à s’opposer à la prise de pouvoir des fascistes, ils opposent néanmoins une forte résistance, ­comme à Parme en août 1922 où ils empêchent les fascistes de s’emparer de la ville durant la Fati di Parma [2]. Durant cette période , de nombreux groupes s’organisent localement pour résister physiquement aux agissement des squadristi, tels les Legione Proletaria Filippo Corridoni à Parme.

En France, dès le milieu des années 1920, l’Association républicaine des anciens combattants (ARAC, proche du Parti communiste) crée les Groupes de défense antifascistes, puis les Jeunes gardes antifascistes (JGA) qui regroupent plusieurs milliers de militants à la fin de la décennie. Au sein de la SFIO (socialiste), dès la fin des années 1920, des groupes d’autodéfense socialistes (GD) se constituent, avec essentiellement une fonction de « service d’ordre ». C’est sous l’impulsion de Marceau Pivert, un des animateurs du courant marxiste de la SFIO, que se créent en 1935 les Toujours prêts pour servir (TPPS), « l’organe officiel de l’autodéfense active du parti dans la région parisienne » [3]. Mieux organisés et armés que les GD, ils constituent un vrai groupe d’action antifasciste offensif. Ils adoptent le symbole des trois flèches, utilisé par le Eiserne Front (Front de fer) du SPD, que l’on retrouve comme symbole de la SFIO durant la seconde moitié des années 1930 (et qui est repris aujourd’hui par la Jeune garde).

David (UCL Savoies)

1] Bernd Langer, Antifa, histoire du mouvement antifasciste allemand (trad. Sarah Berg), Libertalia/La Horde, 2018, p. 11.
[2] Voir « 1922  : Parme face au fascisme ; pavés, barricades et luttes sociales », Alternative libertaire, novembre 2022.
[3] Matthias Bouchenot, Tenir la rue. L’autodéfense socialiste. 1929-1938, Libertalia, 2014, p. 66-67.