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Islamophobie et sexisme d’État : Une loi discriminante qui continue de provoquer des débats

En 2004 était voté une loi anti-voile, dite sur le port des signes religieux à l’école. Vingt ans plus tard devons-nous fêter cette loi dont beaucoup se réclament à des fins racistes ?

Cela fait cette année 20 ans que la loi de 2004 sur le port des signes religieux à l’école a été promulguée, non pas pour des raisons de laïcité (la loi de 1905 est suffisamment claire sur la liberté de culte), mais pour stigmatiser la population musulmane. Ceci deux ans après la présence de l’extrême droite au second tour de l’élection présidentielle pour la première fois.

Depuis, l’extrême droite continue de monter et la situation s’aggrave. La dernière circulaire de rentrée, l’une des premières mesures de Gabriel Attal à sa prise de fonction, interdit les abayas dans les établissements. Chaque décision stigmatise davantage les musulman·es de France.

L’émancipation des élèves passe sans doute par une prise de recul par rapport à leurs traditions familiales et religieuses, mais cette loi n’accomplit pas cet objectif. Une interdiction brutale ne permet pas de prendre du recul ou d’émanciper, elle ajoute juste une oppression à des personnes qui en vivent déjà chaque jour, et est une atteinte au droit à l’éducation. L’inégalité de traitement entre les différentes religions est criante au sein du milieu scolaire : de nombreux établissements confessionnels privés existent pour les autres religions.

En plus d’être islamophobe, cette loi est sexiste et fait partie des nombreuses injonctions que reçoivent les adolescentes sur leur manière de s’habiller. Aucune tenue ne semble véritablement leur permettre de ne pas subir de contrôle sur leurs corps : lorsqu’il ne s’agit pas de leur reprocher des vêtements trop courts, ce sont ceux qui sont trop longs qui deviennent problématiques. Alors que l’émancipation consisterait à les laisser choisir de manière éclairée, il n’en est pas question avec cette loi.

Dans les salles des professeur·es, il est très difficile d’aborder le sujet. Les enseignant·es sont en effet très majoritairement en faveur de cette loi (à plus de 90% selon certains sondages [1]).

Une position « contre » nécessaire mais difficile à obtenir

Même chez les syndiqué·es, on se trouve rapidement face à des arguments du type « si on laisse le voile, alors... », avec plusieurs variations possibles sur la catastrophe qui se produira alors. La propagande perpétuelle de l’extrême droite dans les médias et les réseaux sociaux a malheureusement une efficacité certaine quand elle ravive des conflits ou qu’elle crée des polémiques.

Les syndicats d’enseignants sont majoritairement silencieux sur ce sujet, mais des avancées tardives et timides apparaissent : la fédération de SUD éducation s’est démarquée dernièrement en demandant son abrogation. Cette décision a fait l’objet de débats internes difficiles et de quelques départs ; elle apparaît pour autant salutaire au regard des conséquences dramatiques de la loi sur la vie quotidienne des élèves concerné·es. Les avis exprimés par les plus jeunes sur cette loi donnent davantage d’espoir : un sondage [2] donne 52% des lycéen·es contre cette loi, ce qui laisse penser qu’une évolution est possible à terme.

Un travail syndical et politique de profondeur reste à mener : il apparaît nécessaire de se mobiliser massivement contre cette loi qui laisse libre court aux discriminations quotidiennes, et contre toutes celles dans la même lignée déjà promulguées ou qui le seront bientôt.

Des enseignant·es militant·es de l’UCL

[1] « Les enseignants, la laïcité et la place des religions à l’école », Ifop.com
[2] « « Droit au blasphème », laïcité, liberté d’enseignement… Les lycéens d’aujourd’hui sont-ils « Paty » ? », Ifop.com