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LGBTIphobie : Le RN face aux femmes et aux minorités de genre

L’extrême droite prétend, aux portes du pouvoir, avoir rompu avec certaines de ses positions traditionnelles : infériorité des femmes et contrôle de leur corps, division naturelle des tâches, complémentarité des sexes, etc. Les discours pour la présidentielle de 2022 afin de récupérer les suffrages des femmes ont dans une certaine mesure fonctionné mais ils se heurtent pourtant à une réalité toute autre. Droit à l’IVG, PMA, transphobie, famille : le RN s’attaque à nos droits, notre autonomie et notre liberté à disposer de notre corps [15]

Si Marine Le Pen ne semble plus remettre en cause le droit à l’IVG, elle poursuit néanmoins ses attaques en refusant régulièrement de faciliter son accès, ou alors en s’accommodant d’alliés qui y sont radicalement opposés. Ses sorties en 2012 sur le déremboursement de l’avortement ou les soi-disant « avortements de confort », son soutien à Viktor Orbán (Hongrie) ou Mateusz Morawiecki (Pologne) sont autant d’exemples qui montrent ce qu’elle ferait une fois au pouvoir. Marine Le Pen se cache derrière des évolutions stratégiques de façade. En 2022, elle s’est par exemple opposée à la loi prévoyant l’allongement des délais de 12 à 14 semaines. Sur la constitutionnalisation du droit à l’IVG, un député RN sur cinq a voté contre et un sénateur sur trois, sans compter leurs nombreuses abstentions.

La politique nataliste défendue par le RN est incompatible avec un accès facilité à l’IVG et à la contraception [2]. Certains passages du livret famille du RN en 2022 sont très instructifs car la natalité y est vue comme la continuité de la nation, et la perpétuation de notre civilisation. Cette vision a des conséquences concrètes sur les projections politiques du RN, notamment du point de vue de nos futures régressions sociales. Ainsi, sur la question des retraites, Bardella disait : « Les bébés de 2023 sont les cotisants de 2043 », et Sébastien Chenu déclarait en 2023 : « Moi, je préfère qu’on fabrique des travailleurs français plutôt qu’on les importe ». Les thèses fémonationalistes ont ainsi le vent en poupe au RN. Elles propulsent la cause des femmes au service du racisme et du nationalisme blanc, en prétendant que les seuls ennemis des femmes seraient les migrant·es du Sud global, les musulman·es, les hommes des quartiers populaires et issus de l’immigration [3].

La haine des personnes LGBTI

Le RN le sait, il ne peut stratégiquement pas s’opposer pour le moment aux droits conquis de longue date et cimentés dans l’opinion publique. Mais sur les droits plus récents, fragiles ou encore à conquérir, leur position est plus claire. Tel est le cas des droits LGBTI : en 2020, des cadres du parti défilaient contre la PMA étendue aux couples de femmes et aux femmes célibataires, et Marine Le Pen elle-même s’y opposait, prétendument pour des « raisons juridiques » [4].L’an dernier, le RN créait une association pour lutter contre le « wokisme », y compris « la propagande LGBT à l’école » [5] Ces positions s’éclaircissent encore à la lumière de leurs alliances internationales. Au Parlement Européen, le RN fait du pied aux partis d’extrême-droite italiens et hongrois, tous deux au pouvoir [6].Or Fratelli d’Italia a commencé l’an dernier à annuler les liens de parenté des femmes ayant eu recours à la PMA [7], et fait désormais rentrer les anti-IVG dans les Plannings Familiaux [8]. Quant au Fidesz, aux positions nationalo-natalistes, il a interdit en 2021 la « promotion » de l’homosexualité en direction des mineur·es hongrois·es [9], via une propagande reprise par Marine Le Pen elle-même, évoquant du « prosélytisme sexuel ».

Surtout, le RN s’attaque désormais farouchement aux droits des personnes trans, et s’aligne ainsi sur la stratégie de « guerre culturelle » qui a fait de la moitié des USA un enfer pour celles-ci. Dans la foulée du dépôt de la loi des Républicains contre les mineurs trans [10], le RN en a déposé une similaire à l’Assemblée Nationale [11]. En séance, le sénateur RN Stéphane Ravier, manifestement à l’aise sur les éléments de propagande du réseau anti-trans, a prétendu que « les mineurs trans n’existent pas », parlant d’un « délire » qui « abatt[rait] toutes les limites anthropologiques » comme la famille [12].

Le refus du RN de nous laisser disposer librement de notre corps s’accompagne de positions anti-sociales, elles aussi par nature anti-féministes. Les syndicats publient des décryptages sur l’imposture sociale de l’extrême droite [13]. Si le RN cherche à consolider une image factice d’empathie avec les femmes les plus précaires, ses positions restent quant à elles limpides. Salaires, retraite, représentation des salariés, service public, emploi, égalité femmes/hommes (contestation de la réalité des inégalités salariales et souhait d’exclure par exemple les interruptions de carrière des critères de mesure), tout est régression. Toutes ces positions anti-féministes et anti-sociales du RN font de lui le parti le plus perméable aux thèses masculinistes [14].

Anne (UCL Montpellier) et Chloé (UCL Grenoble)

[1] Voir la tribune paru le 23 mai 2024 : « Le RN est l’ennemi des femmes ».
[2] Mediapart : « La natalité, une obsession de l’extrême droite ».
[3] Revue Contretemps : « Un racisme au nom des femmes » et le livre « Les nouvelles femmes de droite » de Magali Della Sudda.
[4] Robin D’Angelo, « Le Rassemblement national défile contre la PMA pour toutes  », lejdd.fr, 19 janvier 2020.
[5] AFP, « Des élus RN créent une association pour lutter contre le « poison du wokisme » », Ouest-France, 12 avril 2023.
[6] Youmni Kezzouf Lamant Ludovic, « Européennes:le RN relance le mercato des alliances à l’extrême droite », Mediapart, 23 mai 2024.
[7] Sandra Favier, « En Italie, la guerre du gouvernement de Giorgia Meloni contre les familles homoparentales se concrétise », Le Monde, 25 juillet 2023.
[8] Cécile Debarge, « L’Italie de Meloni ouvre les centres de consultation familiale aux anti- avortements », Mediapart, 3 mai 2024.
[9] Jordane de Faÿ et al., « Culture : quand l’extrême droite est au pouvoir », Mediapart, 7 juin 2024
[10] « Offensive transphobe au Sénat : Rapports spécieux pour une loi abjecte », Alternative libertaire, mai 2024.
[11] Texte n°2504 déposé le 11 avril 2024
[12] Compte-rendu intégral de la séance publique du 28 mai 2024 au Sénat
[13] CGT, 9 juin 2024 « 10 points sur lesquels l’extrême droite relève de l’imposture sociale ». Solidaires, 12 juin 2024, « Le rassemblement national : un parti contre le service public et ses agent·es ! ».
[14] Le Monde du 12 avril 2024 intitulé « L’inquiétant regain du masculinisme, cette pensée réactionnaire aux origines millénaires ».
[15] Voir la tribune paru le 23 mai 2024 : « Le RN est l’ennemi des femmes ».